On savait la situation tendue entre les dirigeants des Gothiques d'Amiens et leur manager général, Antoine Richer.
En arrêt maladie depuis plusieurs semaines, ce dernier s'est vu confirmer samedi 24 novembre son licenciement pour motif économique.
Pour en savoir plus sur le départ de celui qui fut l'un des joueurs et capitaines emblématiques du club picard, je vous conseille la lecture de "l'article du Courrier Picard paru ce lundi".
Je publie également ci-dessous la longue interview parue dans Hockey Magazine en décembre 2011, suite à l'entretien passionnant au sujet de l'équipe de France, accordé pendant plus de trois heures par Antoine Richer, alors encore entraîneur des Gothiques d'Amiens.
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Antoine Richer : « Sur la glace, je me sentais chez
moi »
Quinze ans au sein de l'attaque tricolore, dont huit avec le
« C » brodé sur le maillot, Antoine Richer, aujourd'hui entraîneur
des Gothiques d'Amiens, détient le record de longévité en tant que capitaine de
l'équipe de France. Retour sur ces années fastes passées de 1981 à 1996 au
coeur d'un groupe au tempérament de feu.
Guillemette Flamein : lors de votre première sélection chez
les Bleus, vous avez 20 ans. Comment avez-vous appréhendé cette nouvelle
responsabilité ?
Antoine Richer : j'avais participé à un stage en Hongrie au
cours duquel j'ai découvert l'équipe senior et tous ces joueurs qui jouaient en
haut niveau. Je me souviens d'un match en plein air où le sélectionneur nous avait tancés, nous
les jeunes, car trois palets étaient passés au-dessus des balustrades. Le match
avait été tendu, on avait la pression, mais au final, l'intégration s'est bien
déroulée. Puis en 1982, je suis parti aux Mondiaux, je jouais alors à Tours. On
avait tous en tête les Jeux olympiques de Grenoble, des photos. Il n'y avait
pas les moyens de communication actuels.
On suivait le hockey comme on pouvait.
J'ai encore en tête ma première présence sur la glace. Je me suis senti au bord
de l'effondrement, j'avais les jambes en feu ! Avec un peu de confiance de la
part du sélectionneur et des autres joueurs, après ça a été un peu mieux
(rires). J'ai été bien accueilli par Philippe Treille, les frères Le Blond.
Mais je peux vous dire que je suis arrivé sur la pointe des pieds et c'est
comme tout, il a fallu faire mes
preuves.
G. F. : quels moments forts avez-vous retenu de ces 15 ans
au sein des Bleus ?
A. R. : je citerai la montée de la France du groupe C au
groupe A et son maintien. Je me souviens d'autres moments vraiment privilégiés
car en équipe de France, on est protégé, dans une bulle. Il faut les replacer
dans le contexte historique de l'époque : la visite des Pays de l'Est, ces
odeurs de charbon, ces couleurs différentes. Les Jeux olympiques d'Albertville
restent aussi un événement particulier. Aux Mondiaux, les équipes ont peu de
contacts les unes avec les autres alors qu'aux Jeux, on peut suivre d'autres
athlètes. A Albertville, on a suivi la génération de skieurs de Franck Picard,
Edgar Grospiron... On était moins proche du bob ou du patinage alors qu'on
appartenait à la même fédération.
Il y a eu un gros coup de projecteur sur le hockey français
que les gens ont redécouvert. Cela nous a galvanisés, nous a permis d'avancer
et de sentir une reconnaissance pas si illégitime que ça (rires). Chaque match
était un défi. Perdre 10-1 ou 10-2 contre la Suède ou la Finlande, c'est une
souffrance, mais on jouait contre les meilleurs du monde ! Sur le coup, on
avait du mal à relativiser et à positiver. On a aussi vécu la naissance de deux
nations puisqu'en 1992 a eu lieu la séparation entre la République tchèque et
la Slovaquie. C'est un événement qui fait partie de l'Histoire !
G. F. : vous avez été le capitaine qui a le plus duré
(1988-1996) d'un groupe à fort caractère. Comment s'impose-t-on ?
A. R. : il y avait du tempérament (rires) ! On discutait
beaucoup de hockey entre nous dans les chambres, le soir, et on se projetait
souvent dans le match du lendemain. Il y avait une réelle volonté de performer,
mais personne ne tirait la couverture à lui. En 1988, on abordait un virage, on
changeait de capitaine. On m'avait déjà proposé de le devenir, mais j'étais
alors trop jeune.
Et pour moi, ce n'est pas tant le « C » qui fait
qu'on pousse l'équipe, qu'on oblige les joueurs à bosser, à se bouger. C'est
normal de le faire en équipe de France ! J'ai eu l'impression que cela s'est
fait naturellement. Dans la vie, je suis quelqu'un de timide et de réservé. Sur
la glace, je me sentais bien, à l'aise, chez moi. J'aimais épauler le
sélectionneur, relayer ses conseils, encourager les joueurs, les regonfler.
Avec certains, ça passait par la plaisanterie, pour d'autres par une simple
attention. Et il y en avait à qui je devais donner un bon coup de pied au
derrière (rires) !
G. F. : votre capitanat couvre la période à laquelle Kjell
Larsson était sélectionneur des Bleus. Une coïncidence ?
A. R. : de Kjell (Larsson), je retiens la patience, la
confiance dans le jeu des uns envers les autres, le calme, la sérénité. Il
amenait une solidité qui faisait qu'à aucun moment, on ne sentait en stress.
Quel que soit le moment, il était très accessible. Il possédait une grande
rigueur, mais aimait bien aussi rigoler. Il en avait besoin.
G. F. : quel regard portez-vous sur l'équipe de France
aujourd'hui ?
A. R. : dans mes dernières années, j'ai vécu l'arrivée des
consoles de jeu. Avant, on se retrouvait le soir à plusieurs, dans les
chambres, pour parler hockey. Maintenant, on s'isole un peu plus. Je trouve que l'équipe manque
d'agressivité devant la cage, que certains joueurs sont un peu en dents de scie
et qu'on est en droit d'attendre davantage de certains leaders dans leur jeu,
mais qui ne sont peut-être pas encore prêts à subir la pression. Mais j'ai
l'impression qu'il y a une âme, du caractère, du poids, du physique.
Et il y a
Dave (Henderson) et Pierre (Pousse). Pierre travaille plus dans le Sud et Dave,
plus sur le Nord. Dave bouge beaucoup, il connaît vraiment les joueurs. Il
vient voir les matches des cadets, des juniors. Il prend le temps, est
accessible. C'est essentiel pour les joueurs de le voir dans les tribunes. Dave
et Pierre ont ouvert les Bleus aux jeunes. Le groupe France ne s'arrête plus à
20 joueurs. Il ne concerne plus qu'une seule génération. Et ça, c'est très
important.
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