jeudi 6 novembre 2014

Puck off : comment le Rapace Live s'est-il imposé dans le paysage médiatique du hockey français ?

Le Rapace Live a définitivement éteint caméras, micros et ordinateurs. Depuis six ans, ce média créé par des étudiants couvrait l'information concernant le hockey gapençais puis national. GlaceNews n'a pas voulu entrer dans le détail des divergences opposant le club au Rapace Live. Nous avons voulu revenir de façon positive sur l'émergence, la construction et le développement de ce média associatif. Retour avec trois de ses fondateurs Clément, Paul et Pierre-Louis, sur un support atypique, amateur au sens noble du terme, qui a apporté une très belle pierre médiatique au hockey français durant ces six dernières années.    

Luciano Basile au micro du Rapace Live - crédit www. rapacenews.com
          
          GlaceNews : comment est née l'idée du Rapace live ?
Clément : nous (Paul, Mathieu, Pierre-Louis et moi) étions passionnés de hockey et un jour on a découvert qu’il était possible de diffuser les matchs sur internet. On regardait Amarok TV qui retransmettait les matchs des Brûleurs de Loups de Grenoble et ça nous a donné le goût de faire de même pour les Rapaces. Le président de l’époque nous a donné carte blanche, après quelques réticences. Le club craignait au départ que nos lives impactent sur la billetterie. En réalité la cible c’était surtout les supporters adverses. Le fondateur de la web-TV grenobloise, Franck Poulin nous a aidé et l’aventure « Le Rapace Live » était lancée. Mathieu était à la technique, tandis que Paul filmait. Pierre-Louis et moi-même commentions les partis, Julia intervenait également sur les matchs de Coupe de la Ligue.

Glacenews : pourquoi avoir choisi de prendre ce nom alors qu'il pouvait prêter à confusion avec un organe de communication propre au club ? 

Paul : lors de la création de notre média, le choix du nom a été le fruit d’une concertation. Georges Obninsky, le président, n’y voyait aucun problème, il aimait bien même. D’ailleurs utiliser « Rapace » dans notre appellation nous semblait logique parce que nous parlions des Rapaces tout simplement ! Le mot Rapace n'est en aucun cas déposé, donc aucun problème juridique. Cela dit, il est vrai que beaucoup de supporters pensaient que nous étions l'organe officiel du club, parce que nous communiquions plus que le club lui même.

Glacenews : quels en étaient le principe et la ligne éditoriale journalistique ?

Paul :llorsque nous ne faisions que des diffusions de matchs, cette question ne se posait pas vraiment. Nous gardions notre indépendance sur les commentaires, et nous choisissions les questions dans les interviews.
Lorsqu'il nous a été impossible de faire du live (problèmes techniques durant la saison à Marseille, puis acquisition des droits de la Magnus par l'Equipe), notre travail s'est recentré sur l’information avec le site rapacenews.com. En parallèle on produisait également des vidéos thématiques financées entièrement par nos propres fonds. Clairement nous avons fait le choix d'avoir une totale liberté critique sans pour autant tacler le club. Nous voulions faire la part des choses et éviter de tomber dans la recherche de buzz, qui se fait souvent au détriment de la vraie info.

GlaceNews : comment avez-travaillé avec le club par rapport à votre volonté d'indépendance journalistique ?

Clément : pour être franc c’est une question qui ne s’était jamais vraiment posée avant l’an dernier. On faisait notre chemin et c’est en grandissant que le club a commencé à se préoccuper du cas. Notre statut d’association nous a permis de garder notre indépendance tout en aidant le club. Chacun y trouvait son compte.

GlaceNews : quel accueil avez-vous reçu des médias locaux dits traditionnels et des sites Internet en place ?

Paul : c’était et ça reste très contrasté. Nous avons noué des liens amicaux avec certains journalistes locaux. D'autres nous ont trompé, avec vol d'images et de vidéos voire du plagiat. Nous sommes des bénévoles amateurs, alors vous imaginez que lorsque l'on se fait plagier par des pros, ça nous fait sourire. On était aussi fatigué de voir qu'une information dont nous étions clairement à l'origine soit reprise sans citation. Nous étions entrés dans le monde du journalisme…

GlaceNews : quel accueil avez-vous reçu de la part du club, des joueurs et des entraîneurs successifs ?

Clément : l’accueil des joueurs était excellent. Beaucoup appréciaient le fait que des jeunes se bougent pour leur club, et de fait étaient toujours disponibles. Et puis on essayait de sortir un peu des sentiers battus avec nos questions. Encore aujourd’hui on garde contact avec certains. D’ailleurs certains d’entre eux ont connu leur premières interview avec nous, c’est forcément une relation particulière. Nous avons également eu des rapports toujours très courtois avec les coachs tels Andrej Svitac et Patrick Turcotte qui sont vraiment des gars bien. Globalement nos relations avec la direction étaient bonnes. Ça s’est un peu compliqué ces deux dernières saisons et on le regrette.

GlaceNews : quels sujets regrettez-vous de ne pas avoir traités ou de ne pas pouvoir traiter à l'avenir et pour quelles raisons ?

Clément : franchement il y en a tellement... A aborder absolument, il y a le hockey mineur à Gap, même si on sait qu'en parler dérange ; le financement du hockey gapençais par rapport aux autres clubs de Magnus ; la fusion entre Gap et Briançon me tenait particulièrement à cœur aussi. Nous ne voulions pas parler pour polémiquer et justement c’est là que réside l’incompréhension : on crée le débat. D’ailleurs, organiser un grand débat en direct avec l’ensemble des acteurs du hockey gapençais était dans les cartons, mais le climat ne le permettait pas dernièrement.

Glacenews : quels sujets en revanche êtes-vous fiers d'avoir traités et pourquoi ?

Clément : le carré féminin l’an dernier a été bien géré et a apporté un plus au hockey féminin sous-médiatisé. La couverture du Summer Ice Trophy de Bordeaux avec l’aide de Matthieu Davin a été intense : 2 matchs par jour pendant 3 jours ! Sur le site, on avait carte blanche, alors Pierre-Louis laissait libre cours à son imagination dans « Si j’etais GM» ou «Le petit Rapace illustré» un mini dictionnaire sur le hockey gapençais. (http://rapacenews.com/2014/02/06/le-petit-rapace-illustre/). On essayait d’être un media communautaire, et lors des dernières municipales nous avons interrogé chaque candidats sur le hockey sur glace : http://rapacenews.com/2014/03/14/municipales-quid-de-nos-rapaces-avec-roger-didier/
Glacenews : quels sont vos meilleurs "coups" journalistiques si vous deviez en retenir certains et pourquoi ?
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Clément : la période des transferts est vraiment le moment le plus passionnant pour nous. On ne cherche pas le scoop, mais c’est intéressant de fouiner pour trouver les recrues potentielles. On redoublait de ruses pour les trouver. Parfois c’était des coups de chance. Je me souviens de la signature de Tim Boron qu’on avait trouvé puisqu’il venait de devenir amis sur Facebook avec Georges Obninsky. Dix minutes plus tard, le joueur me confirmait que c’était fait et on avait même une interview intégrale en exclusivité. On a aussi annoncé la signature de Luciano trois jours avant son officialisation. 

GlaceNews : quels souvenirs au plan humain par rapport aux différents entraîneurs conserverez-vous ?

Pierre-Louis : dans les coachs adverses, l'entrevue avec Pouget reste un peu à part. C'était la première, il vient un peu par surprise entre deux tiers et c'est un grand nom du hockey gapençais. Tous sinon sont restés accessibles et ont joué le jeu. Même si certains, par leur personnalité, étaient plus froid comme Santino Pellegrino. Simon Lacroix reste également un bon souvenir qui, lors de sa venue avec Angers l'hiver dernier, nous avait livré des propos très intéressants sur le changement de mentalité et le discours qu'il tenait dans le vestiaire. Côté Gapençais, Svitac reste un peu à part car c'est sous sa direction que tout a commencé : le retour de Gap en Ligue Magnus, d'un engouement autour des Rapaces dans l'avant dernière saison de la vieille patinoire. Forcément beaucoup de nostalgie et de symbole.

GlaceNews : quelles anecdotes insolites ou cocasses garderez-vous de cette aventure ?

Paul : à la Blache, on nous avait accordé une petit cabine en plexiglas en hauteur de la patinoire. A l'intérieur, il y avait un radiateur ! Du coup, on se retrouvait souvent en pull, voir en t-shirt, alors que les spectateurs se frigorifiaient dans une patinoire ouverte au vent sous -5° voir -10°. Un vrai luxe. La pizza restait chaude sur le radiateur et au tiers on pouvait un peu décompresser en la dégustant.

GlaceNews : comment s'est développé le Rapace live au fil des années au plan technique et journalistique ?

Paul : à la base, le Rapace Live c’était une caméra 4 millions de pixel, un ordinateur déjà trop vieux en 2009, un câble FireWire et un micro. Peu, mais suffisant. Et notre connexion internet était celle d'une Live Box disponible dans le bar de la patinoire. Puis avec le temps,  nous avons laissé peu à peu la partie Live pour nous intéresser à une autre partie journalistique en écrivant des articles, des résumés de matchs, des interviews, etc. Quand de nouveaux membres sont arrivés au moment de la construction de l'Alp' Arena, notre matériel vidéo s'est étoffé et notre monteur a réalisé des vidéos vraiment pro avec un matériel infiniment plus performant qu'à nos débuts.

GlaceNews : comment a évolué aussi l'image du Rapace Live en tant que média ?

Paul : dans ce microcosme qu'est le hockey français, et encore plus le hockey gapençais, je pense que nous avons pris une place non négligeable en tant que média. Ce qui était un délire de grands adolescents est devenu un média connu. Je me rappelle d'un live Gap-Grenoble en 2010, qui avait attiré plus de 1000 internautes en même temps. Dernièrement on s’est rendu compte de l’affection que certains avaient pour Le Rapace Live quand nous avons annoncé notre fermeture. S'en sont suivies des dizaines de messages de remerciements et de félicitations en public et surtout en privé. C'était vraiment touchant et nous a conforté dans l'idée qu'on a su réaliser un travail utile durant ces quelques années.

GlaceNews : quel regard portez-vous sur le traitement journalistique du hockey en France, tous médias confondus, sur son évolution durant toutes ces années ?

Clément : le hockey est un sport populaire au niveau local, qui manque d’un relais national. C’est pour cela qu’il faut poursuivre le travail avec les diffusions sur le groupe l’Équipe. Cependant il faut conserver les attaches locales. Il est regrettable que des diffusions comme celles de TV Grenoble aient disparues. Il faudrait trouver un juste équilibre et c’est un enjeu majeur, à l’heure ou la ligue professionnelle arrive à grands pas.

GlaceNews : qu'est-ce qui manque aujourd'hui à la médiatisation du hockey sur glace ?

Clément : Dans mes rêves, j’imagine une ligue Magnus où l’on pourrait revoir l’ensemble des résumés des matchs sur un seul et même site, celui de la Ligue. La feuille de match ne remplace pas l’image. Beaucoup de clubs négligent également la communication, alors que c’est pourtant la face visible de l’iceberg. Des initiatives comme les conférences d’après-matchs de Briançon sont à développer à l’échelle nationale.

Glacenews : quel bilan tirez-vous de toute cette aventure ?

Paul : il est trop tôt pour le faire aujourd'hui car nous sommes très amers suite aux événements de ces derniers jours. Mais nous garderons beaucoup de bons souvenirs liés à la Blâche et à l'équipe des débuts, qui était avant tout composée d'amis depuis le collège voire l'école. On est content de cette dynamique qu’on a pu insuffler par notre « hyperactivité ». On espère que les Rapaces pourront la faire perdurer durant de nombreuses années avec Rapaces TV.
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