Un mois après le déroulement des Mondiaux U20 à Amiens, GlaceNews tire un premier bilan de l'échec français avec Renaud Jacquin, manager de l'équipe et conseiller technique national de la FFHG.
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France-Slovénie |
Guillemette Flamein : la France est reléguée en division inférieure. Lionel Charrier avait déclaré viser le maintien. Quel bilan tirez-vous de cette compétition et quel sentiment prédominait à l'issue du tournoi ?
Renaud Jacquin : l’objectif du maintien, fixé par
le DTN (directeur technique national), était raisonnable, même si bien entendu, la Slovénie et l’Autriche,
nos deux adversaires directes, étaient venues avec les mêmes espérances. En
compétition, seul le résultat compte et sanctionne le niveau de l’équipe. Nous
nous sommes donc quittés déçus, mais surtout sans bien comprendre pourquoi nous
n’avons jamais véritablement atteint notre niveau de jeu, produit lors des
matches amicaux, qui se caractérisait par de la rigueur défensive et de la
constance dans notre jeu.
G.F : comment expliquez-vous ces résultats parfois sévères ? Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?
R. J. : nous savions, après avoir disputé
10 matches de préparation depuis les premiers regroupements estivaux, que nous
manquions d’efficacité offensive, problématique renforcée par l’absence de
Timothé Bozon (priorité donnée à son championnat junior majeur) et Joris Bedin
(blessé deux jours avant le début de la compétition). Aussi, il nous fallait
être extrêmement rigoureux défensivement pour tenir le score et construire nos
matches période par période.
Malgré ces consignes, nous avons vécu à peu près
toujours le même scénario, à savoir un assez bon début de match avec la
maîtrise du palet la majeur partie du temps (à l’exception de la Biélorussie, trop
supérieure à nous) avant de commettre des fautes individuelles
incompréhensibles, qu’elles se traduisent par des erreurs techniques ou des
prises de risques inutiles. A chaque fois, nous avons donné quelques buts à
l’adversaire au mauvais moment (fin de période, juste après avoir recollé au
score…). Après, on a dû forcer notre jeu pour revenir et l’adversaire n’avait
plus qu’à nous contrer ou marquer en cage vide lorsque nous sortions notre gardien
en toute fin de match pour le substituer par un 6e joueur de champ.
G. F. : Lionel Charrier a dit que l'équipe n'est pas habituée mentalement et physiquement à un tel enchaînement de matches. Comment pallier cette lacune ?
R. J. : on réfléchit et l'on modifie les
formules de championnat pour optimiser l’adversité, mais le niveau de nos
équipes de clubs est trop faible et surtout trop inégal pour que notre
compétition nationale prépare suffisamment bien nos internationaux. Sans
compter le peu de matches que nos internationaux jouent par semaine : un seul
chaque week-end dans leur catégorie, et lorsqu’ils évoluent en Magnus, ils ne
participent souvent pas aux situations spéciales (power play, defense play) et
n’ont qu’un temps de jeu réduit…même si la règle contraignante des 10 joueurs
formés localement nous aide un peu, évidemment.
G. F. : sur quels compartiments de jeu faut-il mettre l'accent pour que les jeunes Français puissent se mettre au niveau des autres nations européennes ?
R. J. : si l’on regarde objectivement les
3 favoris de ce groupe qu’étaient la Norvège, le Danemark et la Biélorussie, nous accusons un
retard évident sur les habiletés fondamentales que sont le patinage, le
contrôle du puck et les lancers. Individuellement, nous avons moins de joueurs
dominants et notre niveau moyen est en deçà du leur. Après, nos joueurs ne sont
pas encore prêts mentalement et physiquement à enchainer des performances
maximales tout au long d’un match ou d’une compétition, comme le souligne notre
coach. Les joueurs s’adaptent au contexte dans lequel ils évoluent. Tant que
nous ne modifierons pas le contexte de formation et de compétition de manière
significative, nous aurons toujours la plus grande peine à nous maintenir à ce
niveau.
G. F. : sur quel aspect de la formation de ces jeunes par rapport au hockey français
faut-il travailler ? Je pense au nombre de joueurs formés localement en
ligue Magnus, au temps de glace dont ils peuvent bénéficier, à l’organisation du championnat Juniors...
R. J. : tous les points que vous évoquez
sont justes et restent des bras de levier dont il faut user encore davantage,
mais on voit qu’ils ne suffisent pas et que nous devons urgemment nous
questionner au sein de la Direction Technique Nationale comment aider,
conseiller, orienter, soutenir les entraîneurs de clubs dans leur intervention.
Comme les joueurs, les entraîneurs s’étalonnent à l’adversité du championnat
national. En équipe nationale, il ne s’agit plus de nous comparer entre clubs français, mais de nous confronter à la réalité de la concurrence internationale.
Le constat est là, si nous progressons, nous ne progressons pas plus vite que
nos adversaires et restons donc derrière eux. Il nous faut convaincre la
nécessité de rehausser l’exigence de la formation : s’entraîner plus, mais
aussi s’entraîner mieux en focalisant sur l’efficience technique chez les plus
jeunes et l’intensité de travail chez les plus grands. Les clubs de référence
actuellement s’imposent essentiellement par un plus grand volume de créneaux de
glace, il faut maintenant que nous trouvions les moyens de mieux les exploiter
dans les contenus et les animations.
G. F. : après
deux montées consécutives sur ces deux dernières années, que modifie la
relégation par rapport à la place des jeunes Français dans le hockey mondial,
par rapport aux relations avec les autres nations pour l’organisation de
tournois ?
R. J. : à court terme rien, car la
crédibilité d’une nation s’obtient et/ou se perd sur plusieurs saisons et
sur le cumuls des performances de l’ensemble des équipes de jeunes (U16, U18,
U20). A ce jour, tous les experts internationaux savent que la Biélorussie, la Norvège, le Danemark, l'Allemagne, la Lettonie se battent pour rester ou remonter dans l’élite mondiale et que la
Slovénie, l'Autriche, l'Italie, la France, le Japon, le Kazakhstan, la Pologne se battent pour rester ou remonter en Divison 1
A, qui est déjà un niveau très relevé pour nous, compte tenu de la réforme du
format des championnats du monde, puisque cela nous place dans le concert des 16
meilleures nations, l’équivalent de la composition du championnat élite senior.
G. F. : en
quoi le fait de jouer en France, à Amiens, a-t-il pu avoir un impact sur
l’équipe ?
R. J. : on le saura certainement jamais.
On constate simplement que la plupart du temps, le pays hôte contre-performe, sauf si c’est un relégué qui part avec un avantage technique sur ses
concurrents. Le comité d’organisation a répondu à toutes nos exigences et nous
a mis dans les meilleures conditions. Nous ne cherchons aucune excuse et si
c’était la fameuse « pression », alors il faudra apprendre à
l’apprivoiser car c’est la loi du haut niveau. Dans tous les cas, cela ne fait que rendre la défaite plus difficile à accepter car l'on a le sentiment de ne pas
rendre la pareille à tous les bénévoles, qui se sont investis dans l’organisation
de l’évènement, et aux médias qui ont couvert le mondial, en adoptant un
comportement juste envers nous tout au long de la compétition.
G. F. : quels
sont les prochains objectifs, les prochaines échéances de ce
groupe ?
R. J. : c’est très simple : remporter le championnat du monde Division 1 B
face à l’Italie, le Kazakhstan, l'Ukraine, le Japon, la Grande-Bretagne en décembre 2013. Et pour cela nous
regrouperons nos internationaux dès cet été avec un programme qui reste à
affiner après une analyse à tête reposée au retour des vacances de Noël…
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